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Texte d'ouverture

Alors que s’ouvre le débat parlementaire sur la fin de vie, à travers deux textes distincts :

- le premier étant consacré au renforcement des soins palliatifs

- le second, beaucoup plus discuté, relatif au suicide assisté et à l’euthanasie que l’usage a regroupés sous le vocable d’« aide à mourir »,

la Société Médico-Psychologique a souhaité prendre part aux discussions.

 

Elle le fait à travers des communiqués de presse auxquels elle est associée avec d’autres acteurs, et la rédaction d’un « vœu », forme traditionnelle d’expression de notre Société.

Nous livrons ici ces textes à la sagacité de nos lecteurs.

Vœu de la Société Médico-Psychologique

 

 

La Société Médico-Psychologique souhaite prendre part au débat sur la fin de vie et note que la Commission Spéciale, lors de la législature précédente, n’a reçu aucune société savante de psychiatrie, malgré nos demandes expresses.

 

La Société Médico-Psychologique prend acte de la décision du Premier ministre de scinder le projet de loi en deux parties, la première étant consacrée au renforcement des soins palliatifs, ce qui fait consensus. La seconde, beaucoup plus discutée, est relative au suicide assisté et à l’euthanasie que l’usage a regroupés sous le vocable d’« aide à mourir ». La Société Médico-Psychologique approuve cette scission entérinant qu’il s’agit de deux projets différents et même, opposés. Le souhait de mourir peut traverser toute personne, qu’elle souffre ou non d’une affection fatale, d’un trouble psychique ou de conditions socioéconomiques précaires. Il s’agit en fait bien souvent, paradoxalement, d’un appel à pouvoir vivre mieux. Cet appel est toujours empreint d’ambivalence et de souffrance.

 

Les lois de 2005 (Leonetti) et de 2016 (Claeys Leonetti) actuellement en vigueur sont trop peu connues et mal appliquées faute de moyens dans les services médico-chirurgicaux, de formation satisfaisante de certains soignants, d’information suffisante du grand public. Or ces lois respectent l’autonomie des personnes dans leur décision de limiter ou d’arrêter les traitements, en concertations avec les proches, et en maintenant l’interdit de donner « machinalement » la mort. Ces lois permettent de soulager sans limites les souffrances les plus réfractaires au risque d’abréger la vie, et de mettre en œuvre, selon leurs termes, « une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès » quand le patient est atteint « d’une affection grave et incurable » et que « le pronostic vital est engagé à court terme ».

 

La levée de l’interdit de donner la mort constituerait une rupture majeure dont les effets sur les plus vulnérables, notamment en situation de précarité ou de souffrance psychique, devraient être examinés avec rigueur, notamment au regard des risques d’une banalisation du suicide. La Société Médico-Psychologique invite à questionner les notions de « liberté » et d’« autonomie » qui n’ont pas la même résonnance chez les personnes présentant de multiples vulnérabilités (physiques, psychiques et/ou sociales) et chez les bien-portants qui peuvent se projeter de manière imaginaire dans des situations qu’ils ne vivent pas eux-mêmes. Il est important que cette question de l’« aide à mourir » soit discutée en dehors de toute considération économique, afin que les décisions prises reposent uniquement sur des enjeux éthiques et médicaux. La Société Médico-Psychologique s’inquiète du risque d’instrumentalisation des disciplines médicales et particulièrement de la psychiatrie : la mise en œuvre de l’« aide à mourir », dont l’indication première serait posée par l’usager lui-même au nom de son autonomie, échoirait-elle au personnel médical réduit au grade de prestataire ? S’il existe assurément des demandes de mort qui n’entrent dans aucun cadre psychiatrique pathologique avéré, ce nonobstant, le psychiatre devrait-il se prononcer en vue du repérage systématique d’affections curables ou d’une évaluation du discernement (1) ?

 

La Société Médico-Psychologique tient à rappeler que des pays qui s’étaient engagés, comme la France aujourd’hui, à ne pas inclure dans les protocoles de « suicide assisté » les personnes souffrant de troubles psychiatriques, ont fini par s’y résoudre ensuite, notamment concernant de jeunes adultes. Dans ces pays, les psychiatres sont sollicités afin de poser le diagnostic d’« incurabilité », ce qui constitue une aberration : ce terme, sinon obsolète, du moins problématique compte tenu des incertitudes eu égard à l’évolution de nombreux troubles psychiques, va de surcroît à l’encontre de la notion moderne de rétablissement. Cette dite
« incurabilité » a pu être établie alors même que toutes les thérapeutiques existantes n’avaient pas été tentées (la personne étant par ailleurs le plus souvent libre de ne pas accepter tel ou tel traitement). Enfin, cette mention d’« incurabilité » ne tient pas compte des possibilités thérapeutiques futures alors que la psychiatrie et la psychologie clinique s’apprêtent à bénéficier de nombreuses innovations (repérage précoce des troubles psychiques, psychiatrie de précision, phénotypage digital, tests génétiques, analyse automatisée du langage, techniques de neurostimulation, etc.)(2). Parallèlement à toutes ces avancées qui nous permettent déjà de mieux soigner, de diminuer la morbidité d’origine psychiatrique, et la mortalité, la médiatisation de certaines personnes qui ont recours à l’étranger à une forme
d’« aide à mourir » ne prend-elle pas la forme d’une incitation au suicide (3) ? L’existence d’un dispositif « d’aide à mourir » ne menacerait-elle pas nombre de relations thérapeutiques ? Pour notre travail quotidien, et particulièrement dans les situations de grandes vulnérabilités cumulées, l’interdit d’être complice de la volonté de mourir, lorsqu’elle est un symptôme, nous aide à redoubler de créativité afin d’assurer notre mission d’apaisement des souffrances psychiques. 

 

La Société Médico-Psychologique estime que l’accès aux soins pour toutes et tous est la véritable priorité d’une politique de la fin de vie. Plutôt que d’instaurer un dispositif d’« aide à mourir », il serait plus pertinent d’investir dans une amélioration significative des soins palliatifs et de la prise en charge de la souffrance psychique, afin qu’aucun citoyen, qu’aucune citoyenne, ne se voit contraint de demander la mort faute d’accompagnement adapté.

 

Alors qu’en 2025 la santé mentale est une « grande cause nationale », la Société Médico-Psychologique forme les vœux :

  • d’être entendue et de travailler à une loi cohérente pour les soins palliatifs en renforçant l’accompagnement des patients en fin de vie tout en préservant un cadre éthique qui maintienne l’interdit de provoquer « machinalement » la mort ;

  • de participer aux réflexions considérant les enjeux à long terme pour les plus vulnérables immanquablement soumis à une injonction implicite dans un monde du soin déjà très fragilisé ;

  • de soutenir un programme de pédagogie auprès des soignants et du grand public sur les bonnes pratiques et les lois déjà existantes ;

  • de donner de réels moyens à la santé mentale et à la psychiatrie ;

  • de considérer l’explosion démographique du grand âge dans les années à venir ;

  • de soutenir les familles et les aidants.

 

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Le Conseil d’Administration à Paris, le 20 mars 2025.

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(1) Voir le numéro spécial des Annales Médico-Psychologiques consacré aux « Souffrances psychiques intolérables et fin de vie » (décembre 2023, n° 181, pp 888-935).

(2) La Société Médico-Psychologique renvoie à l’ouvrage qu’elle coordonne : La Psychiatrie et la Psychologie du Futur (650 p), sortie prévue en mai 2025.

(3) Incitation pourtant réprimée par la loi en France, et alors même que la prévention des conduites auto-agressives reste un enjeu majeur de santé publique en 2025.

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92100 - Boulogne-Billancourt

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